Le Venezuela et le droit de manifester
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Le Venezuela et le droit de manifester
Salim Lamrani
Opera Mundi
http://operamundi.uol.com.br/conteudo/babel/35040/le+venezuela+et+le+droit+de+manifester+.shtml
Les médias occidentaux présentent la décision du Tribunal Suprême de Justice de soumettre le droit à manifester à l’obtention d’une autorisation préalable comme une atteinte aux libertés fondamentales. Or, ce principe est en vigueur dans la plupart des démocraties occidentales.
Sollicité par l’une des cinq municipalités de Caracas, le Tribunal Suprême de Justice s’est prononcé le 24 avril 2014 sur le droit à manifester. Selon la plus haute entité judiciaire du pays, « les citoyens ont le droit de manifester pacifiquement et sans armes, sans autres contraintes que ce qu’exige la loi […].Les organisations politiques ainsi que tous les citoyens ont l’obligation de déposer une demande d’autorisation auprès des autorités civiles de la juridiction correspondante, pour pouvoir exercer entièrement leur droit constitutionnel à manifester pacifiquement[1] ».
Le pays est en effet frappé depuis plus de deux mois par des violences, orchestrées par l’opposition. Le bilan est lourd : 41 personnes ont perdu la vie, dont cinq gendarmes et un procureur de la République, 700 personnes ont été blessées et les dégâts matériels dépassent les 10 milliards de dollars[2].
Les médias occidentaux se sont immédiatement fait porte-paroles de la droite vénézuélienne et ont dénoncé une décision liberticide. Ainsi, selon Associated Press, qui cite l’opposition, le Venezuela se trouve désormais « dans un Etat d’Exception permanent et [les citoyens ne peuvent] exercer le droit de manifestation que lorsque l’Etat le permettra ». Selon l’agence étasunienne, la décision du Tribunal suprême « détruit les droits de l’homme[3] » et constitue « la dernière tentative du gouvernement de museler la dissidence[4] ». Pour le quotidien espagnol El País, « le Tribunal suprême vénézuélien limite le droit à la manifestation pacifique » et porte atteinte aux « droits des citoyens et aux libertés démocratiques[5] ». Pour l’Agence France Presse, « cette décision est contraire aux principes démocratiques[6] ». Quant au journal Le Monde, cette décision vise « à limiter le droit à manifester[7] ».
Néanmoins, la presse occidentale oublie de rappeler que dans la plupart des pays démocratiques, obtenir l’autorisation des autorités pour toute manifestation est la norme générale. Ainsi, en France, aucune manifestation ne peut avoir lieu sans l’autorisation expresse de la Préfecture de police. Par exemple, la préfecture de Paris exige que la demande d’autorisation soit effectuée « au moins un mois avant la date de manifestation ». De plus, « ce délai est porté au minimum à trois mois si l'événement projeté rassemble une foule importante[8] ».
Par ailleurs, « chaque demande doit comporter tous renseignements utiles sur l'organisateur (personne physique ou morale) et sur la manifestation (nature, date, lieu, horaire, nombre de participants…) ». Les organisateurs sont dans l’obligation de « souscrire une police d’assurance garantissant au plan de la responsabilité civile tous les risques relatifs à la manifestation projetée (participants, public, et ouvrages publics. La police d'assurance doit comporter la garantie maximale […] calculée en fonction de l'événement assuré, à l'égard des risques suivants : dommages corporels, matériels et immatériels ».
En France, les organisateurs de manifestations sont pénalement responsables de tous les dégâts susceptibles d’être causés lors de l’événement. La Préfecture de police insiste sur ce point : « L'organisateur doit assumer la charge de la sécurité générale sur le site affecté à la manifestation. En cas de dommages ayant pour cause l'imprudence ou la négligence, la responsabilité civile, voire pénale, de l'organisateur peut être engagée sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil et des articles 121-1, 121-2, 223-1 et 223-2 du code pénal[9] ».
Ainsi, la Préfecture de Police de Paris refuse des dizaines de demandes chaque semaine. Elle en rappelle les principales raisons : « non-respect du délai de dépôt de la demande ; animation posant des problèmes de sécurité, d’ordre public ou de circulation ; refus de l’organisateur d’accepter les obligations ou prescriptions présentées par la préfecture de police ; dossier modifié en cours d’instruction et aggravant les sujétions des services de police ; avis défavorable de la Mairie de Paris ou d’un service consulté ; incompatibilité entre l’animation envisagée et le lieu choisi ; organisateur n’ayant pas respecté ses obligations lors d’une demande antérieure ou ayant méconnu les prescriptions de la préfecture de police, etc.[10]) ».
Loin d’être liberticide, la décision du Tribunal Suprême de Justice du Venezuela s’apparente à ce qui existe dans la plupart des démocraties occidentales. Ainsi, au vu des derniers événements violents survenus lors des rassemblements, l’opposition vénézuélienne n’aurait absolument aucune chance d’obtenir une autorisation de manifester dans la Patrie des droits de l’homme qu’est la France.
Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba. Les médias face au défi de l’impartialité (Paris, Editions Estrella, 2013) et comporte une préface d’Eduardo Galeano.
http://www.amazon.fr/Cuba-m%C3%A9dias-face-d%C3%A9fi-limpartialit%C3%A9/dp/2953128433/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1376731937&sr=1-1
Contact : lamranisalim@yahoo.fr
Page Facebook : https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
________________________________________
[1] Jorge Rueda, « Prohíben manifestaciones sin permisos en Venezuela », Associated Press, 25 avril 2014.
[2] Salim Lamrani, “Se a oposição venezuelana fosse francesa”, Opera Mundi, 11 avril 2014.
[3] Jorge Rueda, « Prohíben manifestaciones sin permisos en Venezuela », op. cit.
[4] Jorge Rueda, « Protestan en Venezuela contra plan educativo y restricciones a manifestaciones », Associated Press, 26 avril 2014.
[5] Alfredo Meza, « El Supremo venezolano limita el derecho a la protesta », El País, 25 avril 2014.
[6] Agence France Presse, « Protestan en Venezuela contra plan educativo y restricciones a manifestationes », 26 avril 2014.
[7] Le Monde, « Venezuela : l’opposition dans la rue contre une réforme de l’éducation », 27 avril 2014.
[8] Préfecture de Police de Paris, « Manifestation sur la voie publique ou sur tout espace ouvert au public », Ministère de l’Intérieur. http://www.prefecturedepolice.interieur.gouv.fr/Demarches/Professionnel/Securite-et-accessibilite-des-batiments/Manifestation-sur-la-voie-publique-ou-tout-espace-ouvert-au-public (site consulté le 28 avril 2014).
[9] Ibid.
[10] Ibid.
Opera Mundi
http://operamundi.uol.com.br/conteudo/babel/35040/le+venezuela+et+le+droit+de+manifester+.shtml
Les médias occidentaux présentent la décision du Tribunal Suprême de Justice de soumettre le droit à manifester à l’obtention d’une autorisation préalable comme une atteinte aux libertés fondamentales. Or, ce principe est en vigueur dans la plupart des démocraties occidentales.
Sollicité par l’une des cinq municipalités de Caracas, le Tribunal Suprême de Justice s’est prononcé le 24 avril 2014 sur le droit à manifester. Selon la plus haute entité judiciaire du pays, « les citoyens ont le droit de manifester pacifiquement et sans armes, sans autres contraintes que ce qu’exige la loi […].Les organisations politiques ainsi que tous les citoyens ont l’obligation de déposer une demande d’autorisation auprès des autorités civiles de la juridiction correspondante, pour pouvoir exercer entièrement leur droit constitutionnel à manifester pacifiquement[1] ».
Le pays est en effet frappé depuis plus de deux mois par des violences, orchestrées par l’opposition. Le bilan est lourd : 41 personnes ont perdu la vie, dont cinq gendarmes et un procureur de la République, 700 personnes ont été blessées et les dégâts matériels dépassent les 10 milliards de dollars[2].
Les médias occidentaux se sont immédiatement fait porte-paroles de la droite vénézuélienne et ont dénoncé une décision liberticide. Ainsi, selon Associated Press, qui cite l’opposition, le Venezuela se trouve désormais « dans un Etat d’Exception permanent et [les citoyens ne peuvent] exercer le droit de manifestation que lorsque l’Etat le permettra ». Selon l’agence étasunienne, la décision du Tribunal suprême « détruit les droits de l’homme[3] » et constitue « la dernière tentative du gouvernement de museler la dissidence[4] ». Pour le quotidien espagnol El País, « le Tribunal suprême vénézuélien limite le droit à la manifestation pacifique » et porte atteinte aux « droits des citoyens et aux libertés démocratiques[5] ». Pour l’Agence France Presse, « cette décision est contraire aux principes démocratiques[6] ». Quant au journal Le Monde, cette décision vise « à limiter le droit à manifester[7] ».
Néanmoins, la presse occidentale oublie de rappeler que dans la plupart des pays démocratiques, obtenir l’autorisation des autorités pour toute manifestation est la norme générale. Ainsi, en France, aucune manifestation ne peut avoir lieu sans l’autorisation expresse de la Préfecture de police. Par exemple, la préfecture de Paris exige que la demande d’autorisation soit effectuée « au moins un mois avant la date de manifestation ». De plus, « ce délai est porté au minimum à trois mois si l'événement projeté rassemble une foule importante[8] ».
Par ailleurs, « chaque demande doit comporter tous renseignements utiles sur l'organisateur (personne physique ou morale) et sur la manifestation (nature, date, lieu, horaire, nombre de participants…) ». Les organisateurs sont dans l’obligation de « souscrire une police d’assurance garantissant au plan de la responsabilité civile tous les risques relatifs à la manifestation projetée (participants, public, et ouvrages publics. La police d'assurance doit comporter la garantie maximale […] calculée en fonction de l'événement assuré, à l'égard des risques suivants : dommages corporels, matériels et immatériels ».
En France, les organisateurs de manifestations sont pénalement responsables de tous les dégâts susceptibles d’être causés lors de l’événement. La Préfecture de police insiste sur ce point : « L'organisateur doit assumer la charge de la sécurité générale sur le site affecté à la manifestation. En cas de dommages ayant pour cause l'imprudence ou la négligence, la responsabilité civile, voire pénale, de l'organisateur peut être engagée sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil et des articles 121-1, 121-2, 223-1 et 223-2 du code pénal[9] ».
Ainsi, la Préfecture de Police de Paris refuse des dizaines de demandes chaque semaine. Elle en rappelle les principales raisons : « non-respect du délai de dépôt de la demande ; animation posant des problèmes de sécurité, d’ordre public ou de circulation ; refus de l’organisateur d’accepter les obligations ou prescriptions présentées par la préfecture de police ; dossier modifié en cours d’instruction et aggravant les sujétions des services de police ; avis défavorable de la Mairie de Paris ou d’un service consulté ; incompatibilité entre l’animation envisagée et le lieu choisi ; organisateur n’ayant pas respecté ses obligations lors d’une demande antérieure ou ayant méconnu les prescriptions de la préfecture de police, etc.[10]) ».
Loin d’être liberticide, la décision du Tribunal Suprême de Justice du Venezuela s’apparente à ce qui existe dans la plupart des démocraties occidentales. Ainsi, au vu des derniers événements violents survenus lors des rassemblements, l’opposition vénézuélienne n’aurait absolument aucune chance d’obtenir une autorisation de manifester dans la Patrie des droits de l’homme qu’est la France.
Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba. Les médias face au défi de l’impartialité (Paris, Editions Estrella, 2013) et comporte une préface d’Eduardo Galeano.
http://www.amazon.fr/Cuba-m%C3%A9dias-face-d%C3%A9fi-limpartialit%C3%A9/dp/2953128433/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1376731937&sr=1-1
Contact : lamranisalim@yahoo.fr
Page Facebook : https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel
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[1] Jorge Rueda, « Prohíben manifestaciones sin permisos en Venezuela », Associated Press, 25 avril 2014.
[2] Salim Lamrani, “Se a oposição venezuelana fosse francesa”, Opera Mundi, 11 avril 2014.
[3] Jorge Rueda, « Prohíben manifestaciones sin permisos en Venezuela », op. cit.
[4] Jorge Rueda, « Protestan en Venezuela contra plan educativo y restricciones a manifestaciones », Associated Press, 26 avril 2014.
[5] Alfredo Meza, « El Supremo venezolano limita el derecho a la protesta », El País, 25 avril 2014.
[6] Agence France Presse, « Protestan en Venezuela contra plan educativo y restricciones a manifestationes », 26 avril 2014.
[7] Le Monde, « Venezuela : l’opposition dans la rue contre une réforme de l’éducation », 27 avril 2014.
[8] Préfecture de Police de Paris, « Manifestation sur la voie publique ou sur tout espace ouvert au public », Ministère de l’Intérieur. http://www.prefecturedepolice.interieur.gouv.fr/Demarches/Professionnel/Securite-et-accessibilite-des-batiments/Manifestation-sur-la-voie-publique-ou-tout-espace-ouvert-au-public (site consulté le 28 avril 2014).
[9] Ibid.
[10] Ibid.
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